Brexit : qu’est-ce qui change pour les entreprises, assurances et assurés ?

Le Brexit, qui a finalement été acté le 31 janvier 2020, soulève de nombreuses questions pour les citoyens européens et a fortiori français. Que va-t-il se passer pour les entreprises françaises implantées au Royaume-Uni ? Et pour les assureurs britanniques sur le sol français comme Admiral et Aviva ? Pour répondre à toutes ces questions, Assurland.com a interrogé Stéphane Choisez, avocat spécialiste en distribution internationale à l’assurance.

Que se passe-t-il si vous êtes assurés chez une compagnie d’origine britannique (Aviva, L’Olivier Assurance) ?

En France, quelques compagnies britanniques sont bien implantées. Jusqu’en 2004, Prudential proposait des contrats d’assurance vie aux Français, dont certains sont toujours en cours. L’assureur Aviva est implanté depuis plus d’un siècle en France. On peut également penser à L’Olivier assurance, filiale du groupe britannique Admiral. Que se passe-t-il pour vous si vous êtes titulaires de contrats chez ces assureurs ?

« Normalement, la question de la continuité des contrats en cas de Brexit a été traitée dans le cadre de l’ordonnance française du 6 février 2019, suite aux travaux menés par le Haut Comité Juridique de Place. Le texte de cette ordonnance et de ces travaux sont disponibles sur le site de l’ACPR », allègue Stéphane Choisez. De son côté, l’ACPR veut rassurer : « Les contrats déjà souscrits auprès de compagnies d’assurances britanniques iront à leur terme. Après la période de transition qui court jusqu’au 31 décembre [2021], aucun autre ne pourra être souscrit en l’absence d’une filiale sur le sol européen. »

Mais l’avocat craint surtout « des conséquences non-prévues », toujours impliquées par « toute rupture d’un système complexe ». « La véritable question est de savoir si tous tâcheront de régler ces conséquences dans l’intérêt des assurés, insiste-t-il. Mais pour l’instant, on constate une véritable volonté collective de tous les acteurs de faire en sorte que le Brexit se déroule bien dans le domaine de l’assurance. »

Assurance : ce qui change si l’on circule de l’UE au Royaume-Uni et inversement

Pour les voyageurs et les expatriés, d’autres enjeux se présentent, notamment en termes d’indemnisations de frais de santé. Avant le Brexit, il était possible d’utiliser la carte européenne d’assurance maladie, une carte valable une année fonctionnant dans les États membres de l’UE. Les détenteurs d’une telle carte se rendant ou résidant au Royaume-Uni pourront encore l’utiliser jusqu’au 31 décembre 2020. Toutes les conditions et changements sont disponibles dans le dossier détaillé du Ministère des Solidarités et de la santé.

Pour les assurés de nationalité anglaise résidant en France, les choses se compliquent. « Ce seront les règles du droit international privé des contrats qui aura vocation à s’appliquer, ou le droit de la consommation s’il à vocation à s’appliquer, précise l’avocat. Tout dépendra de la situation du risque, qui diffère en fonction du lieu, des biens ou des personnes en présence. Cela pourrait créer des contentieux inutiles, mais on ne pourra éviter toute difficulté. » Finalement, Stéphane Choisez reste pragmatique dans ses conseils : « Il sera nécessaire dans ce type de situation de se tourner vers un conseil éclairé, courtier ou avocat. »

Entreprises : sans la libre prestation, il faut attendre quelques changements assurantiels

Chaque entreprise ou professionnel d’un pays membre de l’Union Européenne (UE) peut disposer de la « libre prestation de services », aussi connue sous le nom de « passeport européen ». Cette dernière permet l’exercice d’activités dans un autre État membre de l’Espace économique européen (EEE). Mais le Brexit a provoqué la sortie du Royaume-Uni de l’EEE. Cela implique donc quelques conséquences pour les entreprises et professionnels possédant une partie de leur activité sur le territoire britannique, notamment sur le plan assurantiel. « Cela va inciter ces entreprises à centraliser leurs programmes d’assurance sur des programmes monde au niveau de la CEE [ndlr : Communauté économique européenne], afin d’éviter des distorsions entre la France et le Royaume-Uni pour des risques équivalents », indique Stéphane Choisez.

Et même si l’assurance est concernée par la liberté contractuelle, le régime de ce secteur est susceptible de changer au Royaume-Uni. « Or qui dit assurance dit besoin de prévisibilité, et donc de couverture de risque que l’on puisse anticiper s’il se réalise », ajoute l’avocat spécialiste en distribution internationale à l’assurance. « En termes d’assurances, les entreprises françaises ne pourront plus couvrir leurs filiales anglaises via le mécanisme de la libre prestation de service. Il faudra impérativement un contrat local anglais », affirme-t-il.

Brexit : le secteur de l’assurance a déjà entamé sa transition

Quant au secteur de l’assurance, il n’a pas perdu de temps et se prépare depuis quelques mois déjà en prévision du Brexit. Les solutions proposées par les différents assureurs et mutualistes sont toutefois divergentes. « De nombreuses compagnies mais aussi de nombreux courtiers britanniques utilisaient la libre prestation de service pour exercer en Europe. Cela devra à l’avenir passer par une filiale implantée dans l’UE, explique Stéphane Choisez. Certains assureurs anglais ont décidé d’anticiper en installant des filiales autonomes en Europe, afin que la perte du passeport anglais soit contrebalancée par la possibilité d’utiliser le passeport belge, luxembourgeois ou même français. »

Pour l’avocat, il ne faut pas s’attendre à « des carences dans les programmes, mais des ajustements qui devraient prendre quelques mois à se mettre en place. » Il faut dire que les grands courtiers français et leurs clients préparent avec attention et minutie l’après-Brexit pour ne pas subir de plein fouet ses conséquences. En effet, le Royaume-Uni disposait d’un rôle clé dans l’UE par rapport aux acteurs internationaux. « De nombreux clients internationaux [ndlr : hors Europe] utilisaient en fait le Royaume-Uni comme « tête de pont » pour assurer leurs filiales en Europe, souligne-t-il. Mais cela a d’ores et commencé à changer, au profit de la France notamment, qui a une véritable « carte » à jouer sur le marché. »

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