Après la pandémie : vers des villes et territoires résilients en Méditerranée, ou le refus de l’aveuglement


(photo : F.Dubessy)

(photo : F.Dubessy)

Alors que la pandémie du Covid19 est encore loin d’être parvenue à son terme, « l’Après » commence tout juste à se dessiner, voilé d’ombre et d’incertitudes, taraudé par la lancinante question du vaccin, et plombé par la priorité qui sera celle du redémarrage des économies nationales et des échanges internationaux.

Dans cette perspective, la crise mondiale du coronavirus a profondément interpellé la résilience des villes et territoires, tandis que celle-ci sera centrale lorsqu’il s’agira d’affronter la prochaine crise que déclenchera la conjugaison mortifère du réchauffement climatique et de la dégradation de l’environnement. A la différence du virus et face à cette prochaine crise avec laquelle l’humanité a un dangereux rendez-vous, on ne pourra pas dire cette fois qu’on ne savait pas, alors que pour sa part le confinement ne sera pas la solution.

A l’échelle méditerranéenne, le choc qui se dessine sera un défi majeur : il ne faudra pas attendre benoitement qu’il commence au fin fond de la Chine, car ses prémices climatiques et environnementaux sont déjà plus que perceptibles. Il ne faudra pas non plus frileusement espérer le circonscrire à un seul territoire, car les 500 millions de Méditerranéens seront tous impactés. Il ne faudra pas enfin hâtivement recourir à des solutions seulement nationales alors que ce sera par la coopération, par l’action et par la responsabilité collectives, et par la solidarité que s’esquissera le visage de la Méditerranée du Futur.


Une pandémie qui questionne villes et territoires.

– De Wuhan à Milan, de Madrid à New York, les villes, les grands territoires urbains, auront tous été la scène où s’est joué l’essentiel du drame du Covid19.

– A l’inverse, les territoires, (de l’arrière-pays, de l’hinterland, des zones rurales), sont apparus comme les zones refuge si l’on en juge par l’exode urbain en début de confinement, ou par le rôle qu’ils ont joué pour assurer une partie de l’alimentation de proximité des centres urbains.

– La mise en lumière des fêlures sociales, soudainement révélées par le confinement d’une population urbaine en grande précarité (SDF, migrants, sans-abris), par la fragilité des conditions de logement (les cités, les banlieues), par l’inégalité de l’accès au numérique, par la vulnérabilité des acteurs de l’économie informelle, par la tentation du cantonnement des ainés. – La généralisation du télétravail pour une partie significative d’actifs du secteur tertiaire qui pose, en termes innovants, l’organisation et la gestion du temps-espaces de travail, celles des mobilités domicile-travail, et celles de l’égalité de la desserte territoriale du numérique

– L’amélioration, aussi rapide que sensible, des indicateurs environnementaux (qualité de l’air par exemple) et de la biodiversité.

– L’impact virulent de la crise sur les petits commerces de proximité et de cœur de villes, souvent fragilisés depuis bien avant ce printemps 2020 par des décennies de développement de grandes surfaces et de centres commerciaux en périphérie des villes.

– La contribution du local et du territorial au chinage et à la mise en œuvre des solutions à une crise, au début du traitement de laquelle les États avaient joué, seuls, le premier rôle.

Conjugués, ces différents constats mettent en relief des tendances visant à approcher et à faire différemment la ville et les territoires, sous l’effet combiné des politiques publiques mais aussi des initiatives de la société.


La ville intelligente, puis la ville durable ont montré des lacunes

Longtemps considérées comme l’alpha et l’oméga de l’innovation urbaine et territoriale, la ville intelligente, puis la ville durable ont montré sinon les limites, du moins les lacunes, de leurs modèles respectifs.
Face aux chocs climatique et environnemental qui les affecteront dans les quinze prochaines années, les villes et les territoires de la Méditerranée se devront d’être résilients et en capacité d’encaisser puis de surmonter le choc de la prochaine et violente crise……qui a déjà commencé. Quelques sillons de réflexion se présentent à ce stade sur la résilience urbaine et territoriale :

– Une gouvernance revisitée autour d’une action collective des porteurs de responsabilité, publique-privée-civile et citoyenne :

  • Une gouvernance transversale pour connecter entre eux tous les compartiments, du logement aux transports, de l’environnement à l’économie,
  • Une gouvernance globale afin d’appréhender tous les usages de la ville et des territoires.
– Une mobilisation, enfin, puissante pour élever la Nature et les solutions fondées sur la Nature au rang de premier rempart face au changement climatique et à la mise en pièce de l’environnement.

– Un engagement collectif pour contrebattre les vulnérabilités économiques des centres villes, et sociales des périphéries, (logement, services publics, sécurité, commerces de proximité, équipements culturels, économie circulaire, économie sociale et solidaire, etc..).

– Un métabolisme urbain d’autant plus résistant qu’il sera frugal dans l’utilisation des ressources (eau, énergie, foncier, déchets).

– Une remise à plat des usages : de l’espace public, des mobilités, des équipements publics, du temps et de l’espace.

– Une correction de trajectoire en faveur d’un rééquilibrage des relations ainsi que des échelles entre centres urbains, mais aussi entre ceux-ci et les territoires.

– Une conception et un positionnement « offensifs » de cette résilience urbaine et territoriale en faveur du développement des pays méditerranéens : ceux-ci seront d’autant plus forts dans le grand jeu de la mondialisation qu’ils auront été préparés à surmonter les épreuves à venir.


La coopération régionale pour éviter une Méditerranée d’archipels résilients.

Alors que l’épreuve du Covid19 est venue jeter une lumière crue sur les lézardes du multilatéralisme qui fonde partie de l’organisation et du fonctionnement des relations internationales, le choc climatique et environnemental affectera tous les Méditerranéens, où qu’ils se trouvent sur le pourtour de la Mare nostrum : flux de populations déplacées, une mer poubelle en partage, raréfaction des ressources (eau, terres arables, notamment), désertification et extension des zones désertiques et/ou arides, fragilisation environnementale des régions littorales, feux de forêts, catastrophes météorologiques, etc….

Dans ce contexte où, pour une fois, les Méditerranéens seront égaux face aux menaces, la coopération multilatérale régionale est appelée à être l’un des outils privilégiés pour mettre la région méditerranéenne en capacité de résilience.
Encore faudra-t-il s’accorder sur le logiciel de cette coopération :

– Conjuguer les temps courts de réponse aux crises et longs de la préparation à y faire face.

– Mailler les initiatives et les actions respectivement conduites par les États, les collectivités territoriales et les sociétés civiles.

– Prendre en compte tous les territoires de la Méditerranée, y compris, et peut-être surtout, les plus fracassés comme ceux que l’on peut trouver en Libye, en Syrie, ou encore à Gaza.

– Systématiser l’appropriation et la mise en œuvre, collectives et concertées à l’échelle de la région, des instruments internationaux de protection de l’environnement, (Convention de Barcelone, Objectifs de développement durable – ODD, Accords de Paris sur le climat).

– Œuvrer sur la profondeur géo-environnementale et climatique de la zone aride ou désertique qui, de la Mer Rouge à l’Atlantique, court sur le flanc méridional des pays de la rive Sud, dont elle constitue près de 70% de la somme de la superficie de leurs territoires.

– Amener l’Union Européenne à s’engager puissamment sur une stratégie clairement affichée sur son voisinage méditerranéen.

– Mobiliser les bailleurs et les financeurs, nationaux et internationaux, en les amenant, collectivement et sans tarder, sur le terrain de la résilience environnemental et climatique.

– Construire un véritable maillage de coopérations décentralisées autour des villes et des territoires, qui sont déjà, et le seront encore davantage à l’avenir, en première ligne de la résilience.

L’un des enseignements que l’on retiendra de la crise du coronavirus est la part qu’auront prise les populations pour la surmonter : de l’héroïsme des soignants à l’autodiscipline responsable des citoyens confinés, cette crise aura en effet montré que sa gestion et sa solution auront reposé dans une large mesure sur une addition de millions de comportements individuels responsables et engagés. C’est sans doute là que réside le principal gisement de résilience, qu’il importe de prendre en compte aujourd’hui afin d’en optimiser demain le large champ des possibles.

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