Comment les artisans peuvent-ils utiliser l'e-commerce pour se sortir de la crise ? Interview avec Masterbox

La crise de Covid-19 a frappé de plein fouet les artisans, qui ont vu leurs canaux de distribution coupés avec les mesures de confinement. Pour remédier à ce problème, beaucoup se sont tournés vers le digital. Vincent Naigeon, fondateur de Masterbox (désormais renommé Ici Présent), plateforme en ligne proposant ses services aux artisans, explique à Assurland les enjeux de cette transition digitale.

A combien s’élèvent les pertes financières pour les artisans pour cette année 2020 ?

Nous travaillons avec des artisans, des créateurs et des producteurs, je vais donc me concentrer sur ces catégories plutôt que sur les artisans du bâtiment par exemple. Mais on constate de très fortes pertes. Aujourd’hui, 60 % des artisans avec lesquels nous sommes en relation estiment avoir perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires. Depuis le début de la crise, ils sont plus de 80 % à voir l’avenir de manière très négative et à prévoir une nouvelle chute de leurs revenus.

Suite au confinement, les débouchés pour vendre leurs produits ont été fermés : marchés, boutiques mais aussi salons, dans lesquels certains artisans réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires. Les plus touchés sont les petites structures et il faut savoir que beaucoup d’artisans en France ne dépassent pas les 50 000 euros de chiffre d’affaires par an. Pour eux, il n’y a plus de rentrées d’argent et leur trésorerie est hyper tendue.

Les pertes dépendent également du secteur d’activité. Nous travaillons par exemple avec des producteurs de foie gras, qui malgré la baisse d’activité continuent à vendre car ils font partie des commerces alimentaires. A contrario, les vignerons ont été très touchés car la majeure partie de leurs débouchés étaient des restaurants, qui ont tous été fermés.

Les artisans sont-ils bien assurés au titre des pertes d’exploitation ?

Je pense que très peu étaient assurés, en particulier les petites structures. Beaucoup n’ont même pas cette notion d’assurance. D’autant plus que personne n’a vu venir la crise de Covid.

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Comment les artisans ont-ils pris le tournant du e-commerce ?

La démarche de Masterbox est d’accompagner les artisans dans leur digitalisation. Nous voulons fournir tous les services pour qu’ils puissent vendre en ligne sans avoir à se préoccuper de tous les inconvénients liés. De la sorte, ils n’ont plus qu’à s’occuper du produit et de l’envoi.

Lorsque tout le monde s’est trouvé face au mur, beaucoup d’artisans voulaient déjà aller vers de la digitalisation depuis des années. La plupart n’ont pas fait le pas par manque de temps, de moyens et d’expérience. La crise a catalysé et accéléré cette digitalisation. L’année dernière, nous travaillions avec trois vignerons alors qu’aujourd’hui, nous collaborons avec plus de 70 d’entre eux. La digitalisation représentait pour beaucoup l’ultime chance de pouvoir vendre leurs produits.

La digitalisation est-elle complexe pour les artisans ?

Vendre sur Internet peut sembler simple, mais c’est une tâche difficile. Nous travaillons avec beaucoup d’artisans qui avaient déjà tenté une digitalisation en dépensant quelques milliers d’euros pour avoir un site internet. Ils pensaient pouvoir lancer leur e-commerce de cette façon.

Mais en réalité, le processus est beaucoup plus complexe. Il faut un site de qualité, des textes bien rédigés et l’acquisition de trafic coût très cher. Le site doit également être marketé, il faut assurer son référencement… Tenir un tel site est un métier à part et ces artisans n’ont ni les moyens, ni le temps, ni la compétence pour le faire. Ils se sont pour beaucoup retrouvés avec des sites ne générant pas de trafic, donc pas de vente.

Le métier d’artisan a-t-il évolué en conséquence ?

Oui, car il n’y a pas vraiment eu le choix. Après, il y a ceux qui ont réussi à s’adapter et à trouver des plateformes pour vendre et fédérer leurs clients, et d’autres, souvent de plus anciennes générations, qui ont plus de mal à prendre le virage. Cela dépend aussi de leur psychologie d’artisan et de leur histoire.

Quelle est la situation depuis la réouverture des commerces locaux ?

Tout le monde a bien pris conscience de l’intérêt du canal de distribution qu’est l’e-commerce. Maintenant, il est encore trop tôt pour que nous puissions voir des effets sur le déconfinement. Aujourd’hui, il n’y a pas d’effet majeur sur les artisans avec lesquels nous travaillons. Ils sont toujours sur internet pour pouvoir continuer à travailler. Le e-commerce est en croissance depuis 15 ans, c’est une tendance de fond. La crise n’a donc fait qu’accélérer le processus.

Comme nous travaillons aussi avec des consommateurs en recherche de produits artisanaux, on constate que chez beaucoup de Français, il y a une tendance à vouloir trouver ce genre de produits. Beaucoup de gens ont compris qu’aujourd’hui, faire venir des produits des quatre coins du monde n’était peut-être pas une solution d’avenir et que nous avions déjà d’excellents produits à proximité. Il y a aussi une dimension de soutien de l’économie locale. En plus du développement de l’e-commerce, on observe un retour vers l’artisanat, l’authenticité et le local.

L’artisanat repose également sur le contact de l’artisan au client. Mais avec l’e-commerce, recréer ce contact est-il difficile ?

C’est une véritable question car sur Internet, on ne peut en effet pas goûter et toucher les produits. C’est pour cela qu’il faut compenser et que nous essayons de recréer de l’authenticité via le contenu publié sur Internet. Il y a notamment la description, les photos et les vidéos. Nous faisons beaucoup de vidéos directement au sein de l’exploitation de l’artisan pour rendre le tout plus vivant.

Nous essayons aussi de créer du lien avec les artisans, puisqu’on fédère une communauté de consommateurs. Ces derniers peuvent aller à la rencontre des artisans autour de chez eux. Le but est de créer du lien en digital pour recréer du lien physique. On s’est rendu compte qu’il y avait des artisans dans un rayon de 10 kilomètres autour de chez nous et qu’on ne connaissait pas. Nous voulons par exemple lancer une fonctionnalité de click & collect pour que le client puisse aller chercher son produit directement chez l’artisan. Cela permettrait d’éviter les frais de port, les risques liés à l’envoi et de découvrir des artisans autour de chez soi. Cela permet de créer des relations humaines.

Et Internet comporte cet aspect communautaire, il est donc possible de créer une synergie entre l’e-commerce et le commerce physique. Aujourd’hui, les gens ont ce réflexe d’aller chercher sur Internet après avoir entendu parler de quelque chose. On peut créer du lien de cette façon.

Avec la digitalisation et l’e-commerce, y a-t-il un nouveau besoin en termes de cyber risques de la part des artisans ?

Oui, il y a des besoins en termes de cyber risques. Nous jouons aussi notre rôle de tiers de confiance dans ce domaine. Par exemple, quand un client paye sur notre plateforme qui regroupe des artisans, il peut être sûr que sa carte bancaire ne court aucun risque. C’est un sujet technique et lorsqu’on ne maîtrise pas l’aspect technique, il peut être difficile de vendre ses produits sur Internet.

Il y a aussi en e-commerce le problème de la casse, de la perte et des vols. Cela correspond quand même à plus de 5 % de toutes les expéditions qui transitent. Les artisans ne sont pas toujours prêts à entendre cela, alors que cela fait partie du jeu du e-commerce.

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