Le français Philippe Donnet confirmé à la tête de Generali malgré des opposants de poids

Après une bataille acharnée, les actionnaires de l’assureur italien Generali ont voté vendredi pour la reconduction du PDG Philippe Donnet, infligeant ainsi une défaite aux milliardaires frondeurs qui s’y opposaient, Leonardo Del Vecchio (principal actionnaire d’EssilorLuxottica) et le magnat du ciment Francesco Caltagirone.

Au total, 55,9% du capital représenté lors de l’assemblée générale s’est prononcé pour la liste du conseil d’administration sortant, alors que 41,7% ont opté pour celle du camp adverse, emmenée par Francesco Gaetano Caltagirone. Une troisième liste, présentée par Assogestioni, qui regroupe des investisseurs institutionnels italiens, n’a recueilli que 1,9% des voix.

“La majorité s’est exprimée clairement et sans ambiguïté pour la liste présentée par le conseil d’administration sortant”, a commenté Philippe Donnet, un polytechnicien français de 61 ans, se dirigeant ainsi vers son troisième mandat à la tête du géant italien. 70,73% du capital de Generali était représenté, un taux de participation record.

Philippe Donnet a pu compter sur les voix de Mediobanca, principal actionnaire avec 12,8% du capital et surtout 17,2% des droits de vote de Generali, celles de la holding De Agostini (1,44%) et d’une série de fonds d’investissement, principalement internationaux, qui se sont rangés publiquement derrière lui.

Le choix des actionnaires institutionnels, soit 35% du capital, s’est révélé décisif pour cette bataille inédite. Les deux principales sociétés de conseil aux actionnaires, ISS et Glass Lewis, très écoutées par les investisseurs étrangers, avaient en effet recommandé de voter pour la liste de Philippe Donnet, plus crédible selon elles. Le polytechnicien, également titulaire d’un diplôme d’actuaire, a occupé différents postes de direction chez Axa, prenant notamment en mains la filiale italienne Axa Assicurasioni, puis travaillé dans le private equity, avant de rejoindre en 2013 Generali dont il est devenu PDG en 2016.

La fronde contre sa reconduction était menée par deux grandes figures du capitalisme italien, Francesco Caltagirone, 79 ans, et Leonardo Del Vecchio, 86 ans, le fondateur du fabricant de lunettes Luxottica (fusionné avec Essilor) et deuxième fortune d’Italie.

Appel à l’unité

MM. Caltagirone (9,95%) et Del Vecchio (8%) avaient reçu le soutien de la fondation CRT (1,7%) et aussi de la famille Benetton (4%), qui s’est ralliée à eux, préférant les candidats des “entrepreneurs” à la “liste autoproclamée” des administrateurs sortants.

Face à Philippe Donnet, c’est Luciano Cirina, 56 ans, ancien responsable de l’Autriche et de la région Europe de l’est de Generali, qui avait brigué, en vain, le poste de PDG. Le groupe, qui y voit une “trahison”, l’a limogé peu après l’annonce de sa candidature.

“Nous allons maintenant travailler tous ensemble avec détermination pour préserver les intérêts de toutes les actionnaires”, a promis Philippe Donnet, lançant ainsi un appel à l’unité.

Les frondeurs avaient publié en mars un plan stratégique présenté comme plus ambitieux que celui du PDG, baptisé “Réveiller le lion”, en allusion à l’emblème de l’assureur. Ce plan vise à une progression du bénéfice par action de plus de 14% par an d’ici 2024, contre un objectif de 6 à 8% prévu par l’actuelle direction, et se montre plus prodigue à l’égard du trésor de guerre de 7 milliards d’euros de l’assureur, en envisageant de réaliser d’importantes acquisitions.

Le lion déjà à l’affût

Les dissidents font valoir que Generali a perdu du terrain par rapport à Allianz et Axa, les deux plus gros assureurs mondiaux, ou même à Zurich Insurance, avec une capitalisation qui a diminué de 8,2 milliards d’euros ces 15 dernières années, là où ses concurrents ont augmenté la leur.

Les partisans de Philippe Donnet rétorquent que depuis sa nomination comme PDG en novembre 2016, le cours de Generali a en fait grimpé de 55%, soit bien au-dessus de la moyenne du secteur, et que le rendement pour les actionnaires s’est accru de 106%. Et en 2021, pour la troisième année d’affilée, l’assureur a affiché des résultats record.

Generali a-t-il besoin de sortir de son somme ? “Le lion s’est déjà réveillé ces dernières années, d’importantes transformations ont été réalisées”, a commenté à l’AFP Giuliano Noci, professeur de stratégie à l’école Polytechnique de Milan, jugeant “positif” le bilan du patron français.

Mais Francesco Caltagirone et Leonardo Del Vecchio, qui contrôleront tout de même trois sièges au futur conseil d’administration, n’ont sans doute pas dit leur dernier mot. Ils pourraient aussi augmenter la pression sur Mediobanca, leur principal adversaire dans la lutte pour le contrôle de Generali, qu’ils accusent d’agir en coulisse pour y imposer les dirigeants de son choix. Les accusations portées contre Mediobanca ont d’autant plus de portée que Leonardo Del Vecchio n’est autre que… son principal actionnaire, avec une part de 19,4%, Francesco Caltagirone en détenant 3,1%.

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