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États-Unis : l’impasse au Congrès pourrait doubler le coût de l’assurance santé Obamacare

Le marché américain de l’assurance santé individuelle s’apprête à traverser une phase de réajustement brutal. L’absence de décision législative sur la reconduction des mécanismes de soutien financier liés à l’Affordable Care Act (ACA) modifie directement l’équation économique des contrats commercialisés sur les places de marché fédérales et étatiques. Pour les assureurs comme pour les assurés, la fin programmée de ces aides se traduit par une revalorisation massive des primes et par une remise en cause de l’équilibre actuariel construit depuis plusieurs années.

Depuis 2021, ces dispositifs ont permis de stabiliser le coût des couvertures santé en absorbant une part significative du risque financier porté par les compagnies. Leur disparition imminente remet au premier plan la question du financement de l’assurance maladie privée dans un système reposant largement sur la mutualisation et sur l’intervention publique indirecte.

Le rôle central des subventions dans l’équilibre des contrats ACA

Les contrats proposés dans le cadre d’Obamacare sont structurés autour d’un principe fondamental : la prime payée par l’assuré ne reflète pas le coût réel du risque couvert. La différence est compensée par des crédits d’impôt fédéraux, calculés en fonction du revenu, de la composition du foyer et du prix de référence des contrats disponibles localement.

Ce mécanisme a profondément modifié le fonctionnement du marché. Il a permis aux assureurs d’élargir leur base de clientèle en intégrant des profils plus âgés ou présentant des besoins médicaux plus élevés, tout en maintenant des primes apparentes compatibles avec les capacités financières des ménages. La hausse temporaire des subventions décidée en 2021 a accentué cet effet en réduisant, voire en supprimant, la contribution directe de certains assurés.

En l’absence de prolongation, ces transferts publics cesseraient automatiquement. Les assureurs seraient alors contraints d’ajuster les primes à leur niveau actuariel réel, sans compensation externe, afin de couvrir les coûts médicaux attendus et les exigences prudentielles.

Une augmentation mécanique des primes et des restes à charge

Les estimations publiées par plusieurs organismes spécialisés, dont la Kaiser Family Foundation, convergent vers un constat : la fin des subventions se traduirait par un doublement moyen des cotisations mensuelles pour une large majorité des assurés. Cette hausse résulte moins d’une modification des garanties que d’un changement de structure du financement.

Au-delà des primes, les paramètres contractuels seraient également affectés. Les niveaux de franchise annuelle, déjà élevés sur les plans d’entrée de gamme, resteraient inchangés, accentuant l’effort financier total supporté par les assurés. Sur certains contrats, le seuil de dépenses à engager avant remboursement dépasse déjà 7 000 dollars par an.

Pour les personnes jusque-là exonérées de toute cotisation, l’introduction d’un paiement mensuel constitue un basculement significatif. Cette population, souvent située dans les tranches de revenus les plus basses, est particulièrement sensible aux variations de charges fixes liées à la santé.

Effets attendus sur la mutualisation du risque

Du point de vue assurantiel, le principal enjeu réside dans la composition du portefeuille d’assurés. Une hausse brutale des primes augmente le risque de sélection adverse : les assurés les plus jeunes et les moins consommateurs de soins sont incités à quitter le marché, tandis que les profils à forte sinistralité restent couverts.

Ce phénomène fragilise la mutualisation, cœur du modèle de l’assurance santé. La réduction du nombre d’adhérents entraîne une concentration du risque et pousse les assureurs à rehausser encore les tarifs pour maintenir l’équilibre financier. Les projections du Congressional Budget Office anticipent une augmentation progressive du nombre de personnes non assurées dès 2026.

Pour les compagnies opérant sur les marchés ACA, cette dynamique pourrait conduire à des arbitrages stratégiques, incluant des retraits géographiques ou une réduction de l’offre disponible dans certaines zones.

Comparaison avec les mécanismes européens et français

La situation américaine met en lumière les différences structurelles entre les modèles de financement de la santé. En France, l’assurance maladie obligatoire joue un rôle central dans la prise en charge du risque, tandis que les complémentaires santé interviennent en couverture additionnelle, dans un cadre réglementé et mutualisé à l’échelle nationale.

Aux États-Unis, l’assurance santé individuelle repose sur des contrats privés couvrant à la fois le risque principal et une partie importante des dépenses courantes. Les subventions de l’ACA jouent un rôle comparable à un amortisseur tarifaire, sans lequel le coût réel de la couverture devient immédiatement visible pour l’assuré.

La remise en cause de ces aides illustre la dépendance du marché américain à des mécanismes publics indirects, même dans un système largement privatisé. Elle souligne également l’importance de la stabilité réglementaire pour les assureurs, dont les modèles de tarification s’appuient sur des hypothèses pluriannuelles.

Des alternatives aux effets limités sur les primes

Plusieurs propositions techniques ont été avancées pour remplacer les subventions actuelles, notamment la création de comptes d’épargne santé alimentés par des versements forfaitaires. Ces dispositifs, centrés sur l’individu plutôt que sur le contrat, modifient la nature de l’intervention publique.

D’un point de vue assurantiel, ces montants fixes ne compensent pas l’augmentation structurelle des primes liée à l’âge ou à l’état de santé. Ils transfèrent une part plus importante du risque financier vers l’assuré, sans réduire le coût des prestations médicales sous-jacentes.

Les experts du secteur soulignent que ces mécanismes n’agissent pas sur les déterminants fondamentaux de la hausse des dépenses de santé, notamment les prix des actes médicaux, des médicaments et des hospitalisations.

Incidences pour les assureurs et les réassureurs

La volatilité réglementaire affecte également les acteurs en amont du marché. Les assureurs doivent revoir leurs hypothèses de sinistralité, de taux de résiliation et de croissance des portefeuilles. Les réassureurs, exposés indirectement au risque santé américain, surveillent l’évolution des taux de couverture et des comportements d’adhésion.

Une contraction du marché individuel pourrait entraîner un redéploiement des offres vers d’autres segments, comme l’assurance collective d’entreprise, historiquement dominante aux États-Unis. Cette recomposition aurait des effets sur la concurrence, la tarification et l’innovation produit.

Une période d’incertitude opérationnelle

À court terme, l’absence de cadre stabilisé complique la préparation des grilles tarifaires pour les prochains exercices. Les assureurs doivent déposer leurs propositions de primes plusieurs mois à l’avance, sur la base de règles susceptibles de changer en cours de route.

Cette incertitude pèse sur la lisibilité du marché pour les assurés et sur la capacité des acteurs à anticiper leurs flux financiers. Elle met en évidence le lien étroit entre décisions publiques et fonctionnement des marchés de l’assurance santé, même dans un environnement majoritairement privé.

Pour les observateurs européens, cette séquence illustre les fragilités d’un système dans lequel l’accès à la couverture dépend directement de mécanismes fiscaux temporaires, et souligne, par contraste, le rôle stabilisateur des régimes obligatoires et des complémentaires encadrées dans des pays comme la France.

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