Catastrophes naturelles : Doit-on payer pour les malheurs de son voisin ?

La France vient d’essuyer une troisième vague d’inondations en moins de deux mois. Une nouvelle catastrophe naturelle qui laisse penser qu’en 2015, les dépenses engagées aujourd’hui par les assureurs seront répercutées sur le prix des contrats d’assurance. Des tarifs mutualisés que certains Français ne voient plus d’un bon œil.

L’année 2014 ne sera vraisemblablement pas placée sous le signe de l’accalmie climatique. En deux mois, la France a déjà connu trois vagues d’inondations particulièrement ravageuses. Les côtes bretonnes, les Pyrénées-Atlantiques et le Var n’ont pas résisté aux tempêtes successives (Dirk, Qumeira, Ulla) et ont été dévastés coups sur coups.

Les intempéries se multiplient

Une montée en puissance des catastrophes naturelles qui laisse craindre le pire, notamment en terme d’assurance. “Ces dernières années, il y a eu une augmentation, à la fois de la fréquence et du coût des évènements climatiques en France. On est maintenant sur un volume relativement récurrent qui est compris entre 1Md et 1,5Md d’euros pour le coût annuel des intempéries” explique Cyrille Chartier-Kastler, président-fondateur de Facts & Figures.

Chaque année possède sa singularité en terme d’évènements climatiques. En février 2012, le gel a occasionné pour les assureurs une dépense moyenne de 400M d’euros. En 2013, la pluie, les nombreux orages et la grêle leur ont coûté 1,1Md d’euros et cette année 2014, à seulement mi-février, les premières estimations s’orientent vers un montant global de l’ordre de 450M d’euros.

Invité sur RTL le 7 février dernier, Stéphane Penet, directeur des assurances de biens et de responsabilités à la FFSA (Fédération française des sociétés d’Assurances) a rappelé que le climat ne représentait pas, à l’heure actuelle, le poste de dépense le plus lourd pour les assureurs habitation. Il ne pèse aujourd’hui que 16%. Il pourrait pourtant le devenir. “Quelques études que nous avons faites récemment montrent que si les choses continuent comme elles ont démarré ces vingt dernière années, cela pourrait passer à 30% et 35%” a-t-il déclaré.

Vers une augmentation des tarifs habitation en 2015

En 2015, même s’il est encore un peu tôt pour le prétendre, tous les indicateurs semblent annoncer que les Français devront une nouvelle fois régler la note. Les assureurs répercuteront sur les prochains tarifs les coûts qu’ils ont dû absorber. Un procédé que les assurés redécouvrent chaque année en recevant leur nouvel échéancier pour les 12 mois à venir.

Si le prix de l’assurance habitation augmente année après année, il arrive tout de même loin derrière la prime d’assurance auto, avec une différence de l’ordre de 40 euros en moyenne par mois. Les locataires et les propriétaires paient aujourd’hui peu cher la protection de leur logement grâce au principe de mutualisation et chaque assuré habitation verse approximativement la même somme pour sa couverture. Pourquoi ? Car le régime catastrophe naturelle, inclus dans la protection, n’est pas uniquement garanti par les assureurs, mais également par l’État. Un partenariat privé/public, mécanisme de solidarité envers chaque Français. Ainsi, des dommages climatiques de forte intensité, autrefois inassurables, sont aujourd’hui indemnisés si un arrêté préfectoral est publié.

Un système égalitaire qui n’est toutefois pas gratuit. Sans le savoir, chaque assuré dispose dans son contrat habitation d’une extension obligatoire. Une condition qui donne naissance à une surprime de l’ordre de 12% du tarifs de l’assurance.

La mutualisation ou le principe du “chacun pour tous et tous pour un”

Aujourd’hui ce système de mutualisation est décrié par un grand nombre de Français. Ils ne veulent pas enregistrer de hausses de tarifs à cause des sinistrés alors que, eux, n’ont subi aucun dégâts, chez eux, à l’autre bout de l’hexagone. Dans un sondage réalisé par le Journal Télévisé 19:45 de M6 fin janvier, 60% des interrogés déclaraient ne pas vouloir assumer pour les bretons victimes des intempéries. Une réaction qui témoigne de l’agacement éprouvé par les consommateurs. “La mutualisation est aujourd’hui trop excessive. Tout le monde paie approximativement la même chose qu’il soit en maison, en studio, qu’il habite une résidence neuve ou un immeuble ancien, qu’il soit situé au rez de chaussée et donc plus sujets aux cambriolages ou qu’il soit au dernier étage” indique Cyrille Chartier-Kastler, président-fondateur de Facts & Figures

Le problème étant que de nombreux Français sont bien plus exposés aux risques (zones inondables, zones sujettes au vent) que d’autres. Est-il alors légitime que par exemple des parisiens à qui il n’arrive concrètement jamais rien paient pour les bretons fréquemment sous les eaux ? “La profession devrait poser les choses sur la table, y réfléchir et oser modifier ce régime qui est à bout de souffle” recommande Cyrille Chartier-Kastler.

Vers une future tarification individuelle ?

Si un système de tarification individuelle (appelé également segmentation) était mise en place comme en auto ou en santé, certains pourraient voir le tarif de leur assurance habitation grimper en flèche avec “une hausse allant de 20% à 100%, mais qui correspondra au juste prix. Seuls qui sont plus exposés aux cambriolages, aux vols, aux dégâts des eaux devront en assumer la charge” déclare Cyrille Chartier-Kastler

Mais selon Stéphane Penet de la FFSA ou Stéphane Chappellier, associé et responsable du pôle IARD chez Actuaris: “il apparait inenvisageable qu’une segmentation soit pratiquée, puisque tout le principe de solidarité repose justement sur la mutualisation. L’idée était d’établir un taux commun pour tout le territoire, quelque soit la prédisposition des risques, pour chacun dispose des mêmes chances de réparations et de dédommagements face à l’épreuve. En l’état actuel, si le taux doit augmenter, il augmentera pour tout le monde dans la même mesure, mais la segmentation ne verra pas le jour” conclut l’actuaire.

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