Assurance récolte : vers moins de contraintes qu’attendu pour les assureurs

Les assureurs ne seront pas obligés de travailler en commun au sein d’un groupement dès l’entrée en vigueur de la réforme l’an prochain, selon un projet d’ordonnance. La constitution de ce « pool » crispait des assureurs.

Adoptée en début d’année, la réforme de l’assurance récolte fait partie des chantiers en cours du nouveau gouvernement. Alors que la sécheresse et les orages répétés de ces dernières semaines sont venus rappeler la vulnérabilité des agriculteurs aux aléas du climat, la Première ministre, Elisabeth Borne, a promis d’appliquer la réforme à partir du mois de janvier prochain.

Mise en place graduée

L’objectif de la remise à plat est de mieux protéger les agriculteurs à l’heure du changement climatique, en développant l’assurance contre les pertes de rendement, trop souvent boudée par les exploitants aujourd’hui. Pour ce faire, la loi promulguée en mars prévoit notamment que les assureurs adhèrent à un groupement.

Ce groupement aussi appelé « pool » par les professionnels veut permettre aux assureurs de partager des informations, de mutualiser leurs risques et de se réassurer en commun. Le projet d’ordonnance consulté par « Les Echos » renvoie cependant la balle aux assureurs pour la création de ce groupement et à une procédure de mise en place graduée. Le pool semble désormais être une option.

Le texte prévoit ainsi que si, dix-huit mois après la publication de l’ordonnance, le groupement n’a pas été lancé et que l’assurance récolte ne se développe pas autant qu’espéré, l’autorité administrative peut publier un appel à manifestation d’intérêt pour la constitution dudit groupement. Dans le cas où il n’y aurait toujours pas d’accord entre assureurs, ce groupement pourrait être créé par décret après avis de l’autorité de la concurrence.

Cri d’alerte

Avec cette procédure, « on en a pour quatre à cinq ans pour constituer le pool », déplore Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles chez Groupama, l’assureur qui domine le marché de l’assurance récolte avec Crédit Agricole.

« Cela fragilise la réforme. S’il n’y a pas une démarche de mutualisation volontariste, les assureurs vont sélectionner leurs risques et des agriculteurs risquent de rester sur le bord du chemin », dit-il n’hésitant pas à déclarer qu’il pousse un « cri d’alerte ».

La prudence du gouvernement vis-à-vis du groupement n’est cependant pas pour déplaire à tout le monde. « Il faut prendre le temps pour définir les règles de fonctionnement d’un pool, dans le respect de la liberté et des modèles économiques des acteurs », affirme Philippe Michel Labrosse, le patron d’Abeille Assurances.

Des assureurs se sont en effet montrés rétifs à la mise en place d’un pool, au motif qu’il les empêcherait de maîtriser leurs risques sur un marché mis à l’épreuve par le changement climatique. « Personne ne veut partager les pertes de Groupama et Crédit Agricole », lâche un connaisseur. La création du pool soulève également des questions de respect du droit de la concurrence, selon ses détracteurs.

Inquiétude sur les délais

Le projet d’ordonnance précise, par ailleurs, un peu la façon dont les exploitants pourront se tourner vers les assureurs érigés en interlocuteurs agréés pour gérer les indemnités des assureurs et de l’Etat en cas de perte de récolte. Un sujet surveillé de près. « Il faut que les exploitants puissent choisir librement leur interlocuteur, notamment s’ils ne sont pas assurés. La crainte est qu’il y ait des pratiques anti-concurrentielles de la part d’acteurs dominants sur le marché », déclare Grégoire Dupont, à l’organisation représentant les agents généraux Agéa.

Le texte ne précise pas, en revanche, les seuils de pertes de récoltes à partir desquels les assureurs privés ou l’Etat interviendront : « C’est très structurant pour nous, mais nous sommes en attente », rappelle Delphine Létendart, chez Groupama. Les assureurs aimeraient avoir plus d’informations pour être sûrs d’avoir leur nouvelle offre d’assurance récolte prête en début d’année prochaine. « Sur les délais, on est très inquiets », glisse Delphine Létendart.

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